Il convient de rappeler qu’il a fallu attendre 1900 pour que les femmes puissent exercer la profession d’avocat. Aujourd’hui encore, la profession demeure fortement marquée du « sceau masculin » ; les femmes sont ainsi encore « avocats » et peu « avocates » ! Pourtant, la pyramide des âges de notre profession marque une très nette féminisation du Barreau. A Paris, la tranche des 60-65 ans est masculine à 75 %, tandis qu’entre 25 et 30 ans, les femmes représentent près de 65 % . L’équilibre entre les deux sexes peut être trouvé autour de la quarantaine, pour s’inverser ensuite. A cet égard, il ne peut qu’être constaté, par exemple, qu’à l’arrivée d’un troisième enfant , certaines de nos consoeurs sont contraintes de quitter la profession dont l’exercice semble peu adaptée à cette nouvelle situation, alors que leur expérience est un atout pour l’ensemble de la collectivité. Fort heureusement, il y a des exceptions, et non des moindres, à ce constat.
La prise en compte par notre profession de la situation concrète et matérielle de l’ensemble de ses membres doit être une réelle préoccupation : prise en compte qui concerne par ailleurs également les hommes plus nombreux aujourd’hui à bénéficier de la résidence alternée de leurs enfants en cas de divorce. Autant de situations qui – si elles ne font pas l’objet d’adaptations par notre profession – se traduisent par des obstacles au développement de l’entreprenariat. A ce titre, trois grands axes de réflexion peuvent être menés : la grossesse, les choix parentaux et le soutien à la création d’entreprise.
Concernant la période de la grossesse, l’exonération des charges pendant le trimestre de l’accouchement obtenue par la loi du 17 janvier 2002, à la demande de la Délégation Interministérielle, sous la responsabilité alors d’Edouard de Lamaze , est non seulement favorable aux femmes elles-mêmes mais également à la structure au sein de laquelle elles exercent. C’est dans cette optique que l’action doit continuer à être menée.
Concernant les choix parentaux, certaines de nos consoeurs, plus exceptionnellement nos confrères, ont pu choisir l’omission pendant une à deux années afin d’accompagner leur enfant dans les premières années de leur vie. Ce choix ne doit pas être sacrificiel, et générer des difficultés pouvant surgir au moment de la reprise d’activité du fait de la distance prise et de l’évolution des textes et de la jurisprudence. A ce titre, les formations obligatoires et facultatives dispensées par l’EFB directement ou via l’IFC (Information Formation Colloques) sont un bon moyen de remise à niveau. Reste le problème de la « reconstitution » d’une clientèle après une ou deux années d’absence.
Dans d’autres situations, l’omission est un choix par défaut : les parents ne trouvant pas de structures d’accueil de leur enfants adaptées aux exigences de la profession et à son absence de « certitude horaires ». A ce titre, le service social de l’Ordre pourrait compléter ses activités en s’inspirant des recommandations de l’OCDE qui suggère d’augmenter « la disponibilité de mode de garde d’enfants abordables ». L’Ordre pourrait ainsi négocier un partenariat avec des associations afin que celles-ci offrent des services de garde à des tarifs préférentiels, notamment concernant les droits d'entrée parfois prohibitifs, et surtout avec des horaires plus adaptés à nos contraintes. Il existe bien sûr à Paris la halte-garderie du Palais. Il semble cependant que cette possibilité de garde soit, sinon méconnue, du moins déjà saturée. Une telle structure est cependant un bel instrument au sein de notre Palais, au cœur de la Cité. Il serait donc souhaitable d'en développer les capacités d'accueil, soit en tant que crèche ou même de halte-garderie.
Concernant enfin le soutien à la création d’entreprise, il peut être noté que nos consoeurs peuvent faire le choix de créer leur structure, pour différentes raisons cumulatives d’ailleurs pour certaines : volonté d’entreprendre, volonté d’une plus grande « liberté » (qui peut s’avérer très relative en pratique), volonté d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… quel que soit la raison, cet entreprenariat féminin ne doit pas être freiné par des obstacles, structurels ou de mentalités, ainsi que le constate pourtant l’OCDE.
Or, si, comme le souligne l’OCDE « les femmes ne disposent pas d’assez de temps libre pour étoffer leurs capacités entreprenariales ou développer une entreprise existante », et bien qu’elles soient pourtant plus nombreuses que les hommes à avoir créé leur propre structure , le Barreau doit être un soutien pour ce dynamisme qu’apportent les femmes dans notre profession et, en général, dans notre société.
Edouard de Lamaze,
Avocat
Président d’honneur de l’UJA et de la FNUJA
Patricia Savin
Avocate Docteur en droit
Présidente d’honneur de l’UJA de Paris