Par Aminata Niakate, candidate aux élections des Membres du CNB, Première Vice-Présidente de la FNUJA, Présidente d’Honneur de l’UJA de Paris
Lorsque l’on prête le magnifique serment de l’avocat, en présence de nos familles, de nos amis, de nos proches, on respire cette immense bouffée de fierté, on éprouve un sentiment d’accomplissement quasi absolu. Après de longues années d’études, on fantasme une profession ouverte, solidaire, prospère où chaque avocat trouve sa place.
On n’imagine pas un seul instant y retrouver les maux et les inégalités de la société, de manière plus criantes parfois au sein de cette profession qui se targue pourtant de porter haut un certain nombre de valeurs humanistes.
On découvre de rude manière que si le revenu moyen annuel des avocats parisiens avoisine les 100 000 euros, ce chiffre est loin d’être une réalité pour de nombreux avocats.
Les femmes tendent à tirer cette moyenne vers le bas avec un revenu moyen annuel qui approche les 65 000 euros quand celui des hommes atteint environ 140 000 euros, illustration parfaite des inégalités entre les femmes et les hommes au sein de la profession, notamment en termes de rémunération et d’accès à l’association. L’UJA de Paris, a, à cet égard, fait quelques propositions pour corriger ces écarts : mise en place d’une politique d’égalité permettant une évolution de carrière et une rémunération identiques, sanction dissuasive des discriminations…
Quand vient le moment de déclarer nos revenus à l’Ordre, 15 % des avocats parisiens déclarent un revenu annuel inférieur à 17 500 euros tandis que 25 % des cotisations ordinales collectées sont générés par 3 % des confrères parisiens, reflet patent d’immenses disparités de revenus au sein de la profession.
Les jeunes avocats qui viennent de prêter serment peinent quant à eux à obtenir une collaboration qui :
- d’une part, rémunère leurs prestations au Tarif UJA (3 820 euros HT pour la première année), pourtant recommandé par l’Ordre des Avocats et indispensable pour vivre décemment à Paris tout en faisant face aux nombreuses charges sociales et fiscales qui pèsent sur les avocats. Nombreux, d’ailleurs, sont ceux qui se voient proposer une collaboration au tarif minimal de l’Ordre (3 000 euros HT), voire une collaboration à temps partiel, assortie d’une rémunération parcellaire mais d’une charge de travail équivalente à celle d’un contrat de collaboration à temps plein… ;
- d’autre part, leur permette de concilier vie privée et vie professionnelle ainsi qu’un réel développement de leur clientèle personnelle, indispensable pour envisager, à terme, une association ou une installation.
Cette installation est d’ailleurs très souvent perçue comme téméraire, voire hasardeuse, par nombre d’avocats dans un contexte de paupérisation de la profession, paupérisation accrue notamment par l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché du droit : braconniers du droit et autres legaltechs ne s’encombrant que très peu de nos règles déontologiques et bradant les tarifs de leurs prestations juridiques. Ce sont les raisons pour lesquelles l’UJA de Paris propose de nombreuses formations gratuites pour former les confrères à développer leur clientèle, leurs réseaux, leur transition vers le numérique, ainsi que des ateliers CV et une permanence mensuelle Installation et Association.
Par ailleurs, nombreux sont aussi les confrères qui acceptent les missions structurellement déficitaires d’aide juridictionnelle, et font les frais du désengagement de l’Etat refusant d’indemniser dignement ces missions. Ce sont d’ailleurs généralement les avocats les moins fortunés qui les assument le plus souvent. Les Jeunes Avocats ont obtenu lors de l’actuelle mandature du CNB une revalorisation de l’Unité de Valeur à 32 euros, mais nous devons aller plus loin pour obtenir un système d’aide juridictionnelle qui n’asphyxie pas financièrement les cabinets.
D’autres inégalités, quoique complexes à évaluer, peuvent aussi être constatées, notamment en termes de diversité et de discriminations liées aux questions de handicap, de maladie de longue durée, d’âge, d’orientation sexuelle, de confession, de profil ethnique…
La masse de ces inégalités en pagailles poussent progressivement nombre d’entre nous à raccrocher la Robe. C’est la raison pour laquelle, elles doivent donner lieu à une forte mobilisation de nos institutions, le Conseil de l’Ordre et le Conseil National des Barreaux (CNB), pour parvenir à une égalité réelle entre les confrères.
Nos institutions doivent continuer les travaux menés pour l’égalité entre les femmes et les hommes mais également aller au-delà, en se saisissant des questions liées à la paupérisation et à l’ubérisation de la profession, ainsi qu’aux discriminations susvisées ; en évaluant et en recensant les causes d’inégalités et en prenant des mesures correctrices de celles-ci.
Il est indispensable que la profession fasse preuve de volontarisme si elle veut parvenir à l’égalité réelle.