L’Union des Jeunes Avocats de Paris (UJA) s’alarme de la radicalité des propositions contenues dans l’avant-projet de loi « Réforme de la justice » présentée par la Garde des Sceaux en matière pénale et ce, sans avoir effectué une étude d'impact préalable ni même s’être concertée avec la profession d’ avocats sur l’intégralité du projet.
Il est scandaleux que des considérations de flux et d’économie viennent mettre à mal les droits fondamentaux de tout individu confronté à l’institution judiciaire mais également les engagements nationaux notamment la Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales et 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative à l’accès à l’avocat, ainsi que les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Il est temps non pas d'effectuer des économies au détriment du Justiciable mais de trouver de réelles solutions afin de parvenir à une efficacité pragmatique des mesures pénales en ne renonçant pas aux principes de l'Etat de droit.
Plus spécifiquement, l'´UJA de Paris :
1. En matière de garde à vue :
RAPPELLE qu'il est primordial de garantir la subsidiarité et le caractère exceptionnel de la garde à vue tout comme il est essentiel que l’enquête demeure conduite sous l’égide d’un magistrat qui contrôle l’action de la police
S'INSURGE contre les modifications à venir tendant à automatiser la prolongation de la durée de la garde à vue sans avis préalable du Procureur de la République et à augmenter de 4h le délai pour déférer devant un juge une personne placée en garde à vue (passage de 20 à 24h). De telles modifications affaibliraient les droits de la défense du gardé à vue alors qu'il doit à tous les stades de La procédure bénéficier du droit au respect de la présomption d’innocence le plus absolue
DENONCE toute automaticité de la mesure de garde à vue qui, en tant que mesure attentatoire aux libertés de la personne qui en fait l’objet, doit nécessairement être justifiée.
2. Sur la mise en place du tribunal criminel départemental :
S'OPPOSE à l'instauration de tribunaux criminels départementaux (professionnels) pour les crimes faisant encourir une peine d'emprisonnement allant jusqu’à 20 ans ce qui aurait pour conséquences de nier la nécessité de l’intervention populaire directe dans une démocratie et créerait à tout le moins provisoirement une rupture d'égalité entre les citoyens devant la loi pénale
SE REFUSE à ce que la correctionnalisation des affaires criminelles même si elle est une réalité, devienne un des fondements majeurs du système judiciaire
REFUSE l'Institution d'une politique d’abattage à visée économique au détriment des droits de La Défense (qui ne pourrait plus prendre le temps d'analyser la personnalité et les raisons d'un passage à l'acte) mais aussi de la partie civile (qui serait reléguée sans doute qu'à un second plan sans considération du temps nécessaire à sa reconstruction le temps du procès )
RESTE d'autant plus CIRCONSPECTE quand ces changements toucheraient en premier lieu les infractions sexuelles alors que le Gouvernement n'a de cesse de faire des déclarations Ét autres projets/propositions En arguant de la nécessité de protéger "au mieux" les victimes
3. Sur la limitation des plaintes avec constitution de partie civile :
DENONCE La limitation des possibilités pour la victime de se constituer partie civile comme l’allongement des délais de réponse du Procureur de la République qui ne vont nullement dans le sens d’une meilleure efficacité de la justice.
Plus encore, la multiplication des procédures est un frein certain aux droits des victimes de voir leur cause entendue.
En conséquence,
Si l’UJA de Paris est consciente de la nécessité de réforme d’une institution judiciaire malade, il convient que toute réforme soit menée en conscience de l’immuabilité des droits et libertés fondamentaux ce qui n’est pas le cas dans les propositions contenues dans l’avant projet de loi en cause.
Cette réforme ne peut s'entendre en renouveau et ne vient que limiter le droit d'accès de chaque citoyen au Juge tel que défini par la CEDH ce qui est inacceptable.
L’UJA de Paris exiqe une concertation réelle et préalable dans l’élaboration de ses propositions et à l'établissement d'un projet rénovant utilement l'institution pour son efficacité et non pas au détriment de chaque justiciable pour des motifs strictement économiques.
A défaut, l’UJA de Paris se réserve le droit d’engager toute procédure de contestation possible par voie de QPC, question préjudicielle auprès de la CJUE, saisine a priori et a postériori de la CEDH, afin d’empêcher l’entrée en vigueur et la mise en œuvre d’un projet de loi aussi délétère que rétrograde.
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Contact : Frédéric PERRIN - pvp@uja.fr