Par UJA de Paris, 21 November 2020

Il n’aura fallu que quelques mois et un reconfinement partiel, pour que l’ordonnance n° 2020‑1401 publiée le 19 novembre 2020 et portant adaptation des règles applicables aux juridictions pénales reprenne une grande partie des dispositions prévues dans l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars dernier.

Pire, cette nouvelle ordonnance adopte des dispositions plus attentatoires aux droits des justiciables, ce alors que les mesures de reconfinement sont bien moins strictes qu’au printemps dernier.

Parmi les dispositions clés du texte figure l’extension du juge unique en lieu et place des audiences collégiales pour la quasi-totalité des juridictions pénales.

Mais surtout figure, au bénéfice d’un retour «

en catimini

», le recours à la «

visio-audience

», sans avoir à recueillir l’accord préalable des parties, devant le procureur, devant les juridictions pénales et notamment devant la Cour d’Assises après l’achèvement de l’instruction à l’audience.

Ce n’est pas admissible.

Cette nouvelle vague de dispositifs annoncée pour lutter contre la crise sanitaire érode de manière considérable les digues des droits et libertés fondamentaux.

Ce, au mépris du Conseil constitutionnel qui s’opposait pourtant aux auditions par visioconférence dans le cadre des détentions provisoires criminelles (Décision n°

2019-802 QPC du 20 septembre 2019).

La présence de prévenus ou d’accusés au cours de leurs procès ne saurait être remise en question pour quelque motif que ce soit, tant elle est le corollaire incontournable d’une justice pénale respectueuse des droits de tous.

Comment en effet justifier, pour des motifs sanitaires, qu’un accusé qui aura pu assister à l’instruction de son procès, ne puisse pas assister aux plaidoiries de son Conseil ?

Comment envisager que lorsque viendra le moment de prendre la parole en dernier, cette parole à laquelle toute une salle sera suspendue, cette parole si importante pour les victimes, et avec laquelle partiront les jurés en délibération, soit délivrée à travers un écran de télévision ?

De surcroît, cette ordonnance intervient à contretemps alors que les premières mesures de déconfinement sont annoncées pour certains commerces et que les rassemblements pour des motifs d’ordre religieux semblent être prochainement

autorisés.

Elle intervient également alors que les avocats et les juridictions ont jusqu’à présent déployé des efforts considérables pour mettre en place des mesures de télétravail partout où le présentiel n’est pas indispensable.

Il est légitime de s’interroger sur le risque de transmission du virus.

Il n’est pas acceptable de transiger sur la présence de l’accusé à son propre procès.

Il n’est pas acceptable d’éloigner le justiciable de son juge.

Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, citait dans Bête Noire, Condamné à Plaider

Meursault, le personnage d’Albert Camus dans l’Etranger :

«

En quelque sorte, on avait l’air de traiter cette affaire en dehors de moi.

»

Monsieur le Garde des Sceaux, ne laissez pas les prévenus et les accusés voir leur procès se dérouler en dehors d’eux, sans eux !

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