Par UJA de Paris, 16 November 2016

Par Caroline Luche-Rocchia, Collaboratrice libérale, candidate UJA du Conseil de l'Ordre


Les « hungers games » du collaborateur (partie 2) : la dictature des « time sheets »
Et s’il était temps d’évoquer une préoccupation pourtant quotidienne des collaborateurs dont on ne parle pas assez : les « time sheets » ou feuilles de temps ? De manière encore très (trop) fréquente, lorsque l’avocat ou la structure d’avocat vend une prestation juridique à son client, en réalité il vend du temps. La norme demeure en effet le plus souvent la facturation au temps passé. Pour vérifier sa rentabilité et sa productivité, le cabinet mesure donc  les temps consacrés par les avocats à l’activité. Fréquemment utilisés par les cabinets les plus structurés, plusieurs logiciels sont ainsi mis à la disposition des avocats pour rentrer leurs temps. En général, plusieurs types de temps peuvent être renseignés pour quantifier le volume dédié à chacune de ces tâches : le temps dit facturable (correspondant au temps réel consacré au dossier traité) et les temps non facturables consacrés selon au développement de la clientèle (en principe celle du cabinet), à la formation, au marketing (par exemple, la rédaction d’un article). Or, il n’est pas acceptable que les time sheets  soient utilisés comme un outil de management des collaborateurs. Quelques illustrations remontées de nos enquêtes terrain : Les fameux objectifs de facturation non formalisés mais pourtant bien connu par les collaborateurs des gros cabinets de la place de Paris qui varient en fonction du type de structure et du montant de la rétrocession. A titre d’exemple, pour un objectif annuel de 1 850 heures facturables, il s’agit de : 1 850 h / 226 jours (365 jours – 104 jours we – 10 jours fériés – 25 jours de congé) soit 8,19 heures facturables par jour. Pour aboutir à un tel chiffre, le collaborateur doit en réalité prester 12 à 13 heures quotidiennement. La course au bonus : régulièrement, l’objectif annuel à taux d’atteinte à 100% ouvre droit à un bonus en cas de dépassement de cet objectif qui peut être substantiel en fonction du taux de réalisation. C’est bien la rentabilité à outrance (et donc l’absence de développement de clientèle personnelle) qui est récompensé ici. Au-delà de la pratique des emails de relance pour rentrer les temps même en plein « closing », certains cabinets n’hésitent pas à comptabiliser le nombre de relances pour apprécier la rigueur du collaborateur et son éventuel bonus annuel. On a même vue des cabinets pratiquer un système de d’amendes, prélevées sur les rétrocessions, pour sanctionner les collaborateurs entrant leurs temps avec retard… Que dire aussi de ces logiciels ou plutôt de leur usage qui consiste en un seul coup d’œil sur un simple code couleur de savoir qui des collaborateurs se conforme à l’objectif journalier ? De telles pratiques sont inconciliables avec le statut de collaborateur libéral défini par l’article 14 du RIN. Elles rendent impossible le développement d’une clientèle personnelle. Ces modes de management sont aussi dévastateurs pour les jeunes avocats que pour l’ensemble de notre barreau. Il s’agit des risques psycho-sociaux, du surmenage au « burn out », d’un départ massif des jeunes avocats (30% d’entre eux quittent la profession dans les 10 premières années d’exercice) mais aussi d’un dégoût de notre métier. En termes de performance, ce système est tout aussi pervers pour les cabinets d’avocats : gestion du turn-over, sur-facturation, responsabilité sociale et gestion de la marque « employeur » interne et externe. Plutôt que d’envisager l’action en requalification comme un dernier recours, n’est-il pas temps de cesser l’hypocrisie, d’ouvrir un vrai débat et de repenser aux modèles économiques et modes de management de nos cabinets ? En 2014, n’est-il pas temps de privilégier la valeur ajoutée au temps passé et de sortir de ce cercle vicieux qui ne correspond ni aux attentes des clients, ni à celles des avocats. Les jeunes avocats eux, considèrent qu’il est temps.

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Les « hungers games » du collaborateur (partie 2) : la dictature des « time sheets »

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