Par UJA de Paris, 16 November 2017

Propos recueillis par Boris Stoykov et Jean-Paul VIART, Les Affiches Parisiennes


Aminata Niakate : « L'UJA doit rester accessible à tous les avocats »

Aminata Niakate a pris récemment les fonctions de présidente de l'UJA de Paris, après en avoir été première vice-présidente pendant un an. En cette rentrée 2015, elle trace l'essentiel de son action pour les mois qui viennent…


Aminata Niakate : « L'UJA doit rester accessible à tous les avocats »

Affiches Parisiennes : Vous avez été récemment élue présidente de l’UJA de Paris. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Aminata Niakate : Je suis une jeune avocate. À la fin de mon Master 2, j’ai effectué un stage en cabinet d’avocats qui a été déterminant pour mon avenir professionnel. J’y ai été recrutée comme juriste et encouragée à passer le barreau. Aujourd’hui, je suis installée et exerce en droit des sociétés et fiscalité des entreprises. Je suis également membre du barreau pénal. Cette dernière activité est un tout autre métier qui me nourrit humainement parallèlement à la richesse des aspects techniques de la profession.

A.-P. : Comment projetez-vous votre mission de présidente de l’UJA de Paris ? Quelles sont vos priorités ?

A. N. : Je souhaite que l’UJA de Paris reste proche des avocats, à travers des services et une action militante, sur le terrain. Nous voulons consacrer du temps à aider les confrères à trouver une collaboration, à les assister lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés dans leur collaboration, à les accompagner dans leur projet d’installation et d’association et à les former pour développer leur clientèle…

Malgré nous, nous pouvons parfois renvoyer l’image d’une association élitiste et difficile d’accès. Nous sommes au contraire très ouverts et nous devons davantage communiquer sur cette ouverture. Je souhaite que l’UJA de Paris continue de démontrer qu’elle est accessible à tous les confrères. Pendant cette année de présidence, j’ai aussi envie que l’UJA de Paris s’implique sur les questions de libertés publiques, de défense des droits de l’Homme, et qu’elle prenne des positions claires quand elle constate que les choses ne vont pas. Il est patent qu’en France, en ce moment, il y a des choses qui ne vont pas en termes de libertés publiques.

J’ai également le désir de voir l’UJA de Paris partager des expériences avec des confrères au-delà du barreau de Paris et même au-delà des frontières nationales. Que notre association à vocation syndicale soit ouverte sur le monde et qu’elle rencontre et échange avec des confrères étrangers.

A.-P. : Vous voulez donner une dimension internationale à l’action de l’UJA de Paris ?

A. N. : Disons que je souhaite renforcer son action. Nous avons déjà un jumelage avec une UJA en Côte d’Ivoire et nous entretenons des liens très forts avec une association de jeunes avocats tunisiens et avec la Fauja, la Fédération d’associations et d’unions de jeunes avocats africains. Nous avons également des connexions avec l’Aija (Association internationale des jeunes avocats). Ce sont des relations que nous souhaitons nourrir tout au long de cette année.

A.-P. : Quelles sont les raisons qui fragilisent actuellement l’installation des jeunes confrères ?

A. N. : Pendant nos études, nous nous imaginons que la profession d’avocat est simple. Or, elle est au contraire particulièrement difficile. De nombreux confrères quittent d’ailleurs le barreau pendant leurs dix premières années d’exercice. Beaucoup connaissent actuellement une grande précarité. Il devient de plus en plus difficile de trouver une collaboration ou de trouver des clients au moment de l’installation. Les cabinets éprouvent également des difficultés à recouvrer leurs honoraires. La pression des prélèvements sociaux et fiscaux est de plus en plus forte pour les jeunes entrepreneurs que nous sommes. Les jeunes collaborateurs qui aspirent à une meilleure carrière, à une meilleure qualité de vie, quittent ainsi presque naturellement le métier, souvent avant même d’envisager de sauter le pas de l’installation.

Les femmes, en particulier, se sentent discriminées et d’ailleurs elles le sont, en termes de rémunération, en termes d’évolution de carrière, d’accès à certains réseaux ou aux responsabilités dans les institutions de la profession. Elles sont plus nombreuses à renoncer à la robe. Le barreau se targue d’avoir de nombreuses valeurs éthiques, mais nous peinons à les mettre en pratique. Il y a actuellement de graves inégalités au sein de notre profession. Récemment, l’UJA Paris a organisé une conférence dédiée à l’égalité femme-homme au sein des professions libérales avec à la clé un certain nombre d’engagements paraphés par le bâtonnier de Paris, par le Conseil national des barreaux et par des représentants d’autres professions libérales.

Nous avons fait de nombreuses propositions au bâtonnier et, avant la récente élection, à tous les candidats au bâtonnat. Il faut à présent un peu de volonté politique pour que les choses avancent vraiment.

A.-P. : À quelles mesures concrètes pensez-vous ?

A. N. : Pour plus d’égalité femme-homme, je pense par exemple à une avance par l’Ordre des prestations maternité versées aux cabinets, le système d’indemnisation actuel des congés maternité est souvent source de difficultés financières pour les cabinets qui s’acquittent de rétrocessions d’honoraires mais tardent à percevoir les prestations maternité ayant vocation à les compenser. Cette situation favorise malheureusement les ruptures de contrats de collaboration des jeunes avocates.

Je pense également à l’absence de mesures concrètes dans le RIBP (Règlement intérieur du barreau de Paris) pour parvenir à une égalité femme-homme dans les institutions. La parité obtenue lors des dernières élections au Conseil de l’Ordre est davantage le fait du hasard que d’une réelle volonté politique. Le barreau de Paris est apparu en pointe sur le sujet de facto, mais bien malgré lui. Ce sont davantage les femmes qui se sont mobilisées pour entrer au sein du Conseil de l’Ordre. Il n’y a pas eu de réelle démarche du bâtonnier pour obtenir ce résultat. Ce que l’on peut porter au crédit de ce dernier, c’est l’évolution de la règle relative à la représentation des anciens bâtonniers au sein du Conseil de l’Ordre. Le nombre de leurs mandats a été limité et cela a sans doute favorisé cette parité.

A.-P. : Avez-vous déjà pris des contacts avec le bâtonnier, Frédéric Sicard, et le vice-bâtonnier, Dominique Attias, nouvellement élus ?

A. N. : Nous les avons rencontrés pendant la campagne du bâtonnat, comme tous les autres candidats d’ailleurs, et nous avons évidemment l’intention de les revoir. Je pense qu’ils sont assez ouverts à un travail avec l’UJA sur ces questions de parité. Nous ne manquerons pas de leur faire des propositions et de leur rappeler les termes du pacte sur l’égalité signé par le Conseil de l’Ordre.

A.-P. : Pourquoi avoir déclaré que les avocats devaient devenir des « startupers » ?

A. N. : Je pense que nous avons souvent une attitude un peu archaïque. Nous sommes assez conservateurs dans notre façon d’exercer notre profession. Nous avons, par exemple, une attitude très défensive vis-à-vis des nouveaux opérateurs sur le marché du droit, avocats ou non. Ce n’est pas forcément la meilleure des attitudes. Si ces professionnels ont pu trouver une place assez facilement sur le marché du droit, c’est qu’il existe des besoins que nous ne parvenons pas à satisfaire. Les avocats doivent investir ces nouveaux terrains en proposant une offre adéquate, en conformité avec nos principes déontologiques. Cette démarche peut être à la fois individuelle et collective. La plateforme de consultation juridique en ligne qu’envisage le CNB est, à ce titre, une excellente initiative. Il est dommage qu’elle n’ait pas été initiée beaucoup plus tôt. La plupart des confrères n’ont pas les moyens financiers de s’engager seuls sur ce type de démarche et les jeunes avocats sont très demandeurs de mise à disposition de plateformes où il est possible de consulter un avocat en ligne, d’automatiser certains actes simples, de répondre à des besoins réels d’accès au droit… Nous n’avons pas encore fait notre révolution numérique et il est grand temps d’entrer dans cette nouvelle ère. L’arrivée sur internet de certains braconniers du droit constitue une résultante des lacunes de notre profession.

A.-P. : Concernant la CNBF vs CREPA, quelle est la position de l’UJA Paris ?

A. N. : C’est tout le problème des organismes techniques en relative autonomie et où des groupuscules de confrères prennent des décisions qui engagent toute la profession, sans grande concertation. La situation actuelle remet en question la gestion des ces organismes. Avec la CNBF, c’est la gouvernance qui pose des difficultés. L’UJA Paris vient de prendre une motion sur les modes de scrutin. Lors de l’élection des délégués à la CNBF, les opérations de vote se déroulent par voie postale, étalées sur une période d’un mois. On ne sait pas clairement comment sont collectés ces bulletins de vote, ni comment se déroule le dépouillement. Tout cela me paraît trop peu sécurisé. Ce système n’encourage pas non plus la participation à ce scrutin. Résultat, elle est très faible. Nous avons ainsi un organe peu représentatif. La plupart des délégués à la CNBF ont plus de 60 ans, tandis que la moyenne d’âge de la profession tourne autour des 40 ans. La réforme de la retraite complémentaire faite en catimini par la CNBF pose de nombreuses questions. Nous avons peu d’informations sur la pérennité de ce nouveau régime de retraite. Nous ne savons donc pas avec certitude si les jeunes avocats pourront un jour percevoir une retraite. Je ne vous cache pas que nous avons de sérieux doutes. Et puis, il y a également ce scandale des 15 ans de cotisations. Aujourd’hui, un avocat qui quitte la profession au bout de 14 ans d’exercice ne se verra pas servir les droits correspondant à ces années de cotisations. C’est presque de la spoliation. J’espère que tout cela va bouger. Voilà l’une des luttes que nous allons mener dans les mois qui viennent à l’UJA de Paris.

A.-P. : Que peut-on dire du barreau pénal ?

A. N. : Même si je ne suis pas pénaliste de formation, c’est une matière que j’avais envie de pratiquer via les commissions d’office. Cela touche un peu aux droits de l’Homme, je trouve… On y découvre au quotidien un concentré de misère humaine et sociale. C’est intéressant à observer et surtout stimulant d’apporter sa contribution.

Pour moi, c’est aussi l’occasion de rencontrer de nombreux confrères, membres du barreau pénal. J’en suis membre depuis un peu plus de deux ans. J’ai assisté à la réforme de janvier dernier et j’ai vu comment elle avait été perçue par beaucoup de confrères, notamment ceux qui se sont retrouvés du jour au lendemain exclus du barreau pénal, frappés par une limite d’ancienneté. L’exigence de qualité du bâtonnier Pierre-Olivier Sur est très légitime. Les membres du barreau pénal doivent continuer à se former. Les personnes en situation de détresse ont besoin d’avocats performants et compétents à leurs côtés. En revanche, l’instauration du couperet quasi automatique après sept ans d’appartenance au barreau pénal prive aujourd’hui ce barreau de confrères d’expérience, ce qui est dommage. Malgré la possibilité de devenir référent, aujourd’hui assez limitée, un millier de confrères se sont retrouvés exclus du barreau pénal. Pour nombre d’entre eux, l’appartenance au barreau pénal était aussi une source de revenus, et les exclusions ont fragilisé des équilibres financiers déjà précaires. Sous couvert de qualité, il y a le sentiment général que le bâtonnier a surtout voulu rationaliser et limiter le nombre de confrères. Les avocats exclus n’avaient pas forcément de lacunes en termes de compétences. Ils ont vécu cela comme une humiliation. Frédéric Sicard a annoncé qu’il reviendrait sur cette réforme, ce qui devrait être très apprécié par les confrères concernés.


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