Par UJA de Paris, 05 October 2020

«

J’eus dans ma blonde enfance, hélas

! trop éphémère,

Trois maîtres

: un jardin, un vieux prêtre et ma mère.

Le jardin était grand, profond, mystérieux,

Fermé par de hauts murs aux regards curieux,

Le prêtre, tout nourri de Tacite et d’Homère,

Était un doux vieillard.

Ma mère était ma mère.

»

«

(…) l’amour d’une mère

! amour que nul n’oublie

!

Pain merveilleux qu’un dieu partage et multiplie

!

Table toujours servie au paternel foyer

!

Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier

!


»

*

Chers Présidents d’Honneur,

Chers Invités Permanents,

Cher Bureau,

Chers Membres élus de la Commission Permanente,

Nos usages, tout comme l’amitié qui embrasse nos liens, m’invitent à partager avec vous celui que je suis, ou plutôt celui que je pense être.

J’ai choisi ces deux poèmes de Victor Hugo car ils pourraient peindre le tableau de mon enfance.

Trois maîtres donc.

Tout d’abord, un jardin. Né de l’union d’une mère Lambry et d’un père Dubois, et grandi dans une maison villageoise Rue des Lilas, j’étais tout destiné à vivre aux côtés de dame nature.

Une enfance délicieuse faite d’escalades de noyers et de pommiers, de cabanes dans les bois, de découvertes d’orvets, d’invasions de «

bêtes d’orage

» à la saison des moissons et de remèdes miracles de limaces écrasées pour panser les piqures d’orties.

Ensuite, un prêtre. Mais un prêtre de la République, un professeur, et un professeur bien particulier puisque professeur de sport : mon père. L’apprentissage de la nature évidemment, du bricolage, de la poésie avec Hugo, de la littérature avec Camus, de la musique avec Julien Clerc, mais également des manchettes, des services smashés, des contres, des «

bidouilles

», en somme le volley.

Le sport, et plus particulièrement le sport collectif, avec toutes ses vertus (la rigueur, la persévérance, la combativité, le domptage de la peur de l’échec, le partage, la tolérance, l’humilité) a été un atout indispensable à mon parcours.

Grâce à lui, il m’a été permis de gagner de l’argent pendant mes études, j’ai pu voyager, rencontrer ceux qui sont aujourd’hui mes proches. Grâce à lui j’ai compris qu’à regarder la vie comme un jeu on apprend à savoir

: on apprend à savoir s’amuser, on apprend à savoir gagner, mais aussi et surtout on apprend à savoir perdre.

Enfin, mon dernier maître, ma mère. La mère de quatre enfants qui n’en vit grandir que trois. Une mère courageuse. Une de celles qui se battent pour offrir une enfance heureuse, ou plutôt une de celles qui se sacrifient pour nous protéger d’une enfance d’injustices.

Je ne partagerai avec vous qu’une phrase d’elle, une phrase qui me forgera, qui marquera du sceau de l’optimisme et de la persévérance tous mes combats.

Un Dimanche midi, à l’adresse d’un oncle qui tentait de me convaincre que je ne pourrais pas réussir dans les grandes universités parisiennes, elle répondait

:

«

Ne lui dis pas que c’est impossible, il va le faire

!


»

*

10 ans plus tard, devenu élève-avocat à l’EFB, je reçois le 1er mars 2016 un mail de Thomas Charat pour me proposer de me présenter à l’élection des membres de la Commission Permanente.

Toutefois, si, comme aime à le rappeler Marion «

aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années

», tel n’est malheureusement pas le cas des statuts de l’UJA. J’ai donc dû attendre l’année suivante pour présenter ma candidature et intégrer la Commission Permanente sous la présidence de Laëtitia Marchand.

Membre de l’équipe SOS Collaborateurs, j’ai également porté le projet de constituer et piloter une nouvelle commission : la Commission Droit Public. Depuis sa création, et sa première réunion le 20 décembre 2017, cette commission constitue une véritable passerelle entre l’UJA et les forces associatives des élèves-avocats, et plus particulièrement ceux de l'Institut de Droit Public des Affaires.

Je pense, sans tomber dans l’exagération, que cette passerelle nous a permis de découvrir certains de ceux qui feront l’UJA de demain

: je pense à Christophe Farineau, Niels Bernardini, Nicolas Keravel, Gaelle Pasquier de Solan, ou encore Anne Migault.

Au terme de cette première année, c’est à une table de restaurant du 8ème arrondissement qu’Aminata Niakaté, à l’époque 1ère Vice-Présidente de la FNUJA, me demande d’intégrer le Bureau de la FNUJA, ce que j’accepte.

La première année au Bureau de la « Fédé », c’est une leçon de vie. Nous connaissons tous l’adage, «

c’est en forgeant que l’on devient forgeron

». Et bien pas au Bureau Fédé.

L’histoire, la tradition, le nombre, la variété, la transversalité, la complexité des combats de la FNUJA interdisent cet adage. Au Bureau de la Fédé, et c’est tout naturel, il faut d’abord apprendre, pour ensuite comprendre, et enfin entreprendre.

Alors que je commençais tout juste à comprendre, et à dessiner les entreprises auxquelles je pourrai prendre part sous la présidence du successeur d’Aminata, une bonne fée s’est mise en travers de mon chemin.

Marion, je pense désormais savoir le travail de réflexion qu’a été le tiens pour arriver jusqu’à moi. J’ai déjà pu être soumis aux forces qui composent et qui s’opposent dans l’exercice de ce mandat. Je ne te remercierai jamais assez de m’avoir offert cette confiance.

Comme je ne te remercierai jamais assez de m’avoir fait comprendre qu’«

il ne faut jamais insulter l’avenir

». Les petits ruisseaux font les grandes rivières, cette petite phrase a fait naître dans ma vie un torrent de bonheur depuis plus d’un an. Je laisse à notre intimité le luxe de comprendre le sens de ces mots.

Sache que s’il est des lumières qui m’éclairent dans l’exercice de cette responsabilité, la volonté de ne pas te décevoir et de te convaincre de ce que tu as fait le bon choix en est une.

Tu portes désormais, avec l’élégance et la malice qui te caractérisent, les titres de «

belle-mère

» pour les familiers, d’«

AP

» pour les accoutumés, et de «

Présidente d’honneur

» pour les cérémonieux.

*

Parlons de vous, Présidents d’Honneur. Notre modestie et notre engagement pour l’UJA sont ceux d’Hugo à propos du couvent du Petit-Picpus

dans les Misérables : Sachez que « Nous ne comprenons pas tout, mais nous n’insultons rien.

»

Chers Présidents d’Honneur, votre expérience et votre connaissance nous sont impérieuses.

Je vous remercie pour votre bienveillance, à mon égard, et à ceux du Bureau et des membres de notre Commission Permanente.

Je répondrai avec plaisir à l’invitation que chacun d’entre vous a formulé à mon encontre l’année dernière aux fins de conseils et de soutiens.

*

Chers Invités Permanents, vous êtes à l’histoire de l’UJA ce que sont Achille, Héraclès ou Thésée à la mythologie

: ses héros. Les récits de vos faits d’arme dorent votre nom et font naître l’admiration dans nos rangs. Si vous en êtes là, c’est toujours pour quelque chose.

Que ce soit par votre technique et/ou votre dévouement, vous nous êtes indispensables.

*

Cher Bureau,

Je vous félicite pour votre élection.

Cher Grégoire. Ta rigueur et ton expérience du terrain me sont des véritables atouts. Avec sagesse et parcimonie tu sauras offrir un ton de modestie et de réalisme financiers à mes projets. En tout état de cause, tu as déjà trouvé toute ta place dans ce Bureau et je t’en félicite.

Cher Christophe. Je te le rappelais cet été, et je crois que tu as eu l’opportunité de le croire : «

il ne faut jamais insulter l’avenir

!


» Ton engagement, ta force de travail et, bien évidemment, ta discipline intellectuelle ont fait de toi une évidence au sein de ce Bureau. Aux côtés d’une habileté innée pour la diplomatie et le compromis, tu muscles un imposant sens politique.

Chère Olivia, tu as également été une évidence quand, dans l’auditorium de la Maison du Barreau à l’occasion du Congrés de la FNUJA, j’ai découvert que tu pouvais faire montre de puissance rhétorique tout en usant de formules délicates et bienveillantes. Quand ta cible prend conscience qu’elle est attaquée, il est malheureusement déjà trop tard. Il ne se passe pas une journée sans que tu ne me surprennes par ton organisation et ton efficacité.

Cher Charles, tout comme moi, tu es de ceux «

qui veulent que le cœur pense

». Ta bienveillance, ta sensibilité, ta générosité et ton humilité forment un des piliers du Bureau, ils nous rappellent à l’ADN de l’UJA. Ces qualités sont le cap à tenir coûte que coûte. Bien souvent elles équilibrent mes choix ou en sont les déterminants. Je ne sais quoi te dire si ce n’est de te demander de rester près de moi et de continuer à m’accorder ta confiance.

Chère Louise. La «

der des der

» de cette liste, la «

der des der

» du Bureau précédent, l’intransigeante gardienne du temple des traditions. Trésorière de formation, Présidente en devenir - nous pourrions l’espérer - tu te bats chaque jour contre l’imprudence et l’insouciance de la jeunesse de tes camarades. Tout comme la sagesse et la parcimonie de Grégoire, tu es un garde de mes démesures. J’apprends continuellement de toi et bien heureusement pour nous tous, tu sais être force d’équilibre.

Cher Bureau, je vous remercie d’avoir accepté de rejoindre cette si belle équipe, au service de cette si grande famille.

*

Chers membres élus de la Commission Permanente,

Je vous félicite pour votre élection.

Une Commission Permanente

:grandement renouvelée, puisqu’accueillant 17 nouveaux membres, et représentative de notre Barreau avec une majorité de femmes à 67%

et un équilibre entre les collaborateurs, d’une part, et les installés et associés, d’autre part.

Et une Commission Permanente investie, en témoigne l'activité de ses membres dans les différentes campagnes, qu’elles soient celles de l’UJA pour nos candidats au Conseil de l’Ordre et au CNB, ou celles des candidats au Bâtonnat.

Nous pouvons être fiers de votre dynamisme et de cette aura «

UJA

» qui continue de rayonner sur le Barreau, mais nous devons également être exigeants.

Cette exigence, c’est celle de la nécessité. La nécessité de continuer nos combats pour la solidarité et la transformation de notre Barreau.

La profession a traversé et continue de traverser une crise inédite de par sa durée et son ampleur économique et sociale. L’UJA de Paris est un révélateur de son impact sur le jeune barreau.

Avec 200 demandes pendant la seule période du confinement, SOS Collaborateurs a fait en trois mois ce qu’il fait normalement en six, soit un doublement de son activité. La Commission Installation & Association, quant à elle, n’a jamais connu un tel succès.

Si nous pouvons nous satisfaire d’avoir été et d’être toujours en mesure d’assister nos consœurs et confrères en difficultés ou simplement en proie aux doutes, nous devons

nous saisir du problème à la racine.

L’UJA doit être le protecteur du jeune barreau d’aujourd’hui, et doit être le penseur de celui de demain.

Protéger le jeune barreau

Protéger le jeune barreau

c’est continuer le travail avec SOS Collaborateurs.

Jean d’Ormesson écrivait : «

(…) il se fait beaucoup de grandes actions dans les petites luttes. Il y a des bravoures opiniâtres et ignorées qui se défendent pied

à pied dans l’ombre contre l’envahissement fatal des nécessités et des turpitudes. Nobles et mystérieux triomphes qu’aucun regard ne voit, qu’aucune renommée ne paye, qu’aucune fanfare ne salue. La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros

; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.


»

Chers membres de SOS Collaborateurs, vous êtes ces héros obscurs. C’est la raison pour laquelle nous avons mis tant d’énergie cette année à porter votre candidature aux Trophées Pro Bono.

Qu’on ne nous dise pas que c’est impossible, nous allons le faire

!

Protéger le jeune barreau, c’est aussi prendre conscience que ce n’est pas uniquement la situation des jeunes collaborateurs qui doit être améliorée, mais bien celle des jeunes avocats dans leur ensemble, qu’ils soient collaborateurs, installés ou associés.

Si la généralisation d’une assurance perte de collaboration est un instrument en ce sens – sous réserves que les conditions de sa mise en œuvre soient favorisées au regard de ce qui existe déjà et qui, avouons-le, ne fonctionne plus – cet instrument est limité par son champ d’application.

Ayons la sincérité d’avouer que cette situation de crise ne s’est pas limitée aux collaborateurs mais à la jeune profession tout entière.

Alors soyons courageux, soyons audacieux.

Pour faire face à la crise, notre Conseil de l’Ordre, notamment grâce à l’engagement de nos élus qui y siègent , a créé un fonds de secours spécial d’1,5 millions d’euros. Cette aide d’urgence et personnelle à chaque avocat pouvait être sollicitée en raison de difficultés financières résultant de la pandémie.

Dans la continuité de cette expérience, je vous invite à réfléchir à la création et la généralisation d’un fonds de secours. Constitué par le paiement d’une cotisation par chaque avocat et calculée en fonction de ses revenus, ce fonds de secours ferait bénéficier chaque avocat ou cabinet d’un capital déterminé et croissant. L’avocat ou le cabinet pourrait alors prétendre à bénéficier de tout ou partie de ce capital en fonction de situations limitativement énumérées, comme par exemple

:la perte de sa collaboration, les délais de carence imposés avant le bénéfice d’indemnité maladies, ou encore la situation de liquidation judiciaire afin de régler les créances de rétrocessions dues aux collaborateurs.

Donnons-nous les moyens de nos ambitions.

Qu’on ne nous dise pas que c’est impossible, nous allons le faire

!

Penser le jeune barreau

Penser le jeune barreau, c’est se confronter à la nécessité d’innover, de changer, de transformer la profession.

L’avocat de demain devra bénéficier davantage d’outils d’entreprenariat. Nos travaux et victoires sur la pluriactivité, la rémunération de l’apport d’affaires, l’intéressement des collaborateurs sont des preuves récentes de notre capacité à doter la profession d’outils de transformation.

J’emprunte les mots de notre Présidente d’Honneur Aminata Niakaté :

«

Nous devons quitter les postures défensives et adopter une attitude conquérante pour gagner et développer de nouveaux marchés.

»

*

Chère Commission Permanente, nous avons les armes pour protéger et penser ce jeune barreau, au premier rang desquelles, notre démocratie.

Nous avons bien conscience de notre force qui doit toujours, au sein de nos institutions, demeurer juste et équilibrée, mais nous devons toujours permettre à nos valeurs d’être fortes.

Pour notre histoire et notre avenir, pour nos valeurs, pour les consœurs et confrères qui croient en notre engagement, il nous appartient de répondre présent à chaque invitation démocratique. Quelle qu’en soit le prix, et quelle qu’en soit l’issue.

Nos ancêtres nous regardent, nos adhérents nous attendent, et la profession nous observe.

Face à des risques de pratiques d’entre-soi, nous ne devons pas succomber au réflexe de simplicité, de bienséance, d’apaisement, de prudence.

Je ne dirai pas comme William Blake que la prudence est une vieille fille moche courtisée par l’incapacité, mais si elle est mère de sûreté, ce n’est pas elle qui a enfanté nos victoires.

Le courage, le risque, l’audace : voilà ce qui a enfanté nos victoires.

Et c’est là notre seconde arme.

Chère Commission Permanente, Chers élus, Chers futurs élus, je vous en conjure, je vous en supplie

: Osez

! Désobéissez

!

Une guerre est toujours juste quand elle est nécessaire.

Quels mots plus justes que ceux de notre Présidente d’Honneur Valence Borgia, à son discours d’investiture le 23 juin 2014

: «

Nous ne sommes pas là pour plaire à l’ordre ou à d’autres institutions (…).

Notre indépendance et notre humanité nous imposent, à chaque fois que cela est nécessaire, d’entrer en désobéissance.


»

Et Thomas Charat de répliquer deux ans plus tard

: «

N’ayez pas peur ! N’ayons pas peur !

»

De quoi avoir peur

? De l’échec

? De la fin

? Dites-vous qu’ «

Être en cendres est le sort de ce qui fut en flammes.

»

Dites-vous qu’aucun autel ne pourrait recevoir le sacrifice de nos combats, de nos valeurs.

Et dîtes-vous que si c’est impossible, alors nous le ferons.


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