Il était une fois la formation initiale d’une profession qui croyant maîtriser sa genèse en oublia sa jeunesse.
Je vous parle d’un monde où un jeune diplômé, harnaché d’un lourd bagage universitaire, arrivait encore à gravir un échelon en réussissant le « concours » d’entrée dans une prestigieuse école de formation professionnelle.
Tout à sa joie, on lui avait dit à ce « jeune » de 27 ans qu’il allait avoir l’honneur d’apprendre le métier pour lequel il avait gravi tant de montagnes, déjoué tant de pièges, guéri beaucoup de blessures …en accumulant parfois des petits boulots pour vivre.
Le disciple allait pourtant être informé que son dernier parcours de 18 à 24 mois ne serait pas seulement initiatique mais aussi ascétique.
L’honneur d’apprendre se mérite, et le mérite à un prix. Il lui en coûtera 1.600 € pour ouvrir les portes de la professionnalisation, et s’agissant de sa longue période d’apprentissage, il sera nourri par la grande humanité des anciens qu’il serait incorrecte de vouloir traduire en une quelconque rétribution financière.
Conte, légende, ou récit d’une civilisation disparue ?
Non, nous étions en 2004, à la veille de la réforme de la formation initiale de la profession d’Avocat instaurant une période de formation allongée à 18 mois et la suppression corrélative du stage.
L’Union des Jeunes Avocats de PARIS avait alerté les pouvoirs publics et les instances représentatives de notre profession sur l’absence de volet financier à cette réforme tant au regard de l’équilibre budgétaire de la profession, qu’au regard du portefeuille de l’étudiant « futur avocat » qui, une fois à l’Ecole, n’avait pas la garantie de recevoir la moindre rémunération pendant toute sa formation.
Alertées, les instances de l’époque ont pourtant répondu en choisissant la source de financement la plus contestable car elle créait une sélection par l’argent.
Trois sources approvisionnent le budget de la formation d’avocat, sous le contrôle du Conseil National des Barreaux : la Profession d’Avocat (par les cotisations et les CARPA), l’Etat et le « cas échéant » des droits d’inscription.
La profession contribuait déjà largement au budget ; L’Etat avait une participation très insuffisante, sans l’avoir augmentée depuis de nombreuses années ; et les droits d’inscription plafonnaient, à PARIS, à la somme de 900 €.
Contre toute attente, alors que nous souhaitions un engagement fort de l'Etat, par un arrêté ministériel du 12 septembre 2005, le plafond « indicatif » des droits d’inscription a été porté à la somme de 1.600 €, lequel a été immédiatement adopté par l’EFB de PARIS dès le mois d’octobre 2005.
L’Union des Jeunes Avocats de PARIS a alors décidé de contester l’adoption de ce plafond car son économie n’était pas justifiée, et il provoquait une inégalité de traitement des étudiants par une inévitable sélection par l’argent, accentuée par l’absence de toute obligation de rémunération de l’élève-avocat pendant sa formation.
Cette contestation a pris la forme d’un recours, devant la 1ère Chambre civile de la Cour d’Appel de PARIS, contre la décision du conseil d’administration de l’EFB fixant les droits d’inscription pour l’année 2006 (suivi d’un second recours pour les droits d’inscription pour l’année 2007).
Par deux arrêts rendus le 13 mai 2008, l’Union des Jeunes Avocats de PARIS a obtenu la nullité des décisions de l’EFB, et ce sur le fondement d’un vice de forme.
En se prononçant ainsi, sans trancher la question de fond posée sur les droits d’inscription, la Cour donne à notre profession une seconde chance d’ouvrir, avec sérieux et sérénité, le débat sur le financement de la formation initiale.
Depuis 2004, il y a eu une avancée fondamentale avec la mise en place d’une rétribution obligatoire des stagiaires (arrêté du ministère du travail du 10 octobre 2007 portant extension d’un accord professionnel national conclu dans le secteur des cabinets d’avocats).
Pour autant, l’augmentation du montant des droits d’inscription demeure économiquement injustifiée, portée au montant maximum autorisé par le texte ministériel au seul motif de l’allongement théorique de la période de formation alors même que la durée de présence physique des étudiants à l’Ecole a été réduite, en fait, de moitié.
Il ne s’agit pas ici de se poser en vainqueur d’une bataille, à la manière de Pyrrhus, mais de proposer une véritable concertation pour que nous puissions tous faire nôtre la devise de l’EFB : « pour qu’un avocat soit fier de sa profession, il doit d’abord être fier de sa formation ».
A cet égard, les résultats de la récente consultation des jeunes avocats ayant prêté serment depuis octobre 2007 sont éloquents, car 71 % déclarent ne pas être satisfaits par la formation reçue à l’EFB.
Il est temps de reprendre le dialogue.
L’Union des Jeunes des Avocats est prête, à la disposition de qui voudra bien entendre cet appel !
Romain CARAYOL
president@uja.fr