Par UJA de Paris, 16 November 2017

Par Marie-Chantal CAHEN, avocat au barreau de Paris, membre de la Commission Droits Fondamentaux de l’UJA

Le droit à l’éducation et à la vie culturelle au Sénégal
I. Les textes Les articles relatifs au droit à l’éducation et à la culture sont les articles 26 et 27 de la Déclaration universelle des droits de l’humain du 12/1948. (…) Les droits posés par ces textes constituent des obligations immédiates pour les Etats signataires, telles que reconnaître l’égalité des sexes, protéger les enfants contre toute forme de discrimination économique et sociale, offrir l’enseignement primaire gratuit et tout autant de droits sociaux et culturels, économiques, intellectuels, spirituels, inhérents à l’être humain. A son entrée en vigueur le 2 septembre 1990, la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies (ONU) le 20/11/1989 complète la Déclaration universelle des droits de l’humain (DUDH) (..). Lors du Sommet du millénaire les 6 et 8 septembre 2000, 147 chefs d’Etat représentant les pays riches et les pays du « Sud » ont adopté une « Déclaration du millénaire ». L’objectif est notamment de mettre en place un accès facilité à l’éducation de base, l’Enseignement Primaire Universel (E.P.U) de tous les enfants de la planète, au cours de la décennie à venir. II. Pratique actuelle du droit à l’éducation au sénégal. La constitution de la République du Sénégal stipule que l’Etat assure une mission de service public définie et mise en œuvre par le Ministre de l’Education Nationale de l’Enseignement technique et de la Formation Professionnelle, en collaboration avec les partenaires techniciens et financiers, la société civile, les collectivités locales. Le système éducatif est structuré en deux secteurs : formel (A) et non formel (B), son financement reste difficile (C) ce qui n’empêche pas une volonté renouvelée de lui donner une véritable efficacité (D). A-L’éducation formelle. L’Education formelle (3 à 5 ans) est composée de l’éducation préscolaire de l’enseignement élémentaire, moyen, secondaire général, technique, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur, privé/public. (…) Toutefois, le système d’éducation est limité, dans son efficacité, par des interventions multiples et contradictoires. Ceci est aggravé par le dysfonctionnement de ses structures et l’imprécision de ses textes organiques. (…) Dans ses grandes lignes, le système formel s’organise comme suit : - la petite enfance (3-6 ans) est prise en charge dans les garderies d’enfants privées formelles, les écoles maternelles et les garderies d’enfants communautaires. (..) Il existe une disparité criante entre zones rurales et zones urbaines expliquée par le coût unitaire très élevé des écoles maternelles formelles ; - l’adolescence et la jeunesse sont prises en charge par les centres de formation professionnelle. Ils sont au nombre, très faible, de 75 établissements publics et près d’une cinquantaine d’établissements privés. (…) 1-Accès à l’enseignement élémentaire. Le Taux Brut de Scolarisation (TBS) révèle une progression en dents de scie entre 1960 et 1992. (...) C’est le recrutement de 1.200 volontaires par an, à partir de 1996, qui a permis l’accélération de la couverture scolaire (…). La couverture de l’enseignement élémentaire en milieu rural est insuffisante par rapport au milieu urbain (…), même si il y a plus de classes en zone rurale qu’en zone urbaine.(…) 2- « Privé laïque et privé catholique». Sous ces appellations, on regroupe des établissements qui accueillent 10,50% des effectifs nationaux de l’enseignement élémentaire. (…). Par ailleurs, la baisse constante des subventions de l’Etat et la pression fiscale ne favorisent pas le fonctionnement des établissements privés, ni l’application d’une politique sociale en adéquation avec les revenus des parents. 3-Qualité de l’enseignement. Il existe une dégradation constante de l’encadrement des élèves dans l’élémentaire ; plus de 50% du patrimoine immobilier est en mauvais état (…), environ un livre pour 6 élèves. Les taux de redoublement au niveau de l’élémentaire tournent autour de 12.69% en moyenne dans les 5 premières années et atteignent une moyenne de 28% au cours de moyen deuxième année. Le taux d’abandon (..) reste élevé surtout en milieu rural. Les programmes d’enseignement, bien que souvent réformés (1962-1969-1972-1987) suite au constat de leur manque de pertinence, n’ont pas changé fondamentalement le visage de l’école. (…) Le temps de formation des instituteurs a beaucoup diminué (…). 4-L’éducation des filles dans l’enseignement élémentaire. Plus les filles sont scolarisées, plus elles peuvent prendre connaissance de leurs droits et les faire valoir, dans la vie publique et protéger ou acquérir des droits familiaux et sociaux. (…). Au Sénégal, l’inscription des filles à l’école, a connu des avancées significatives surtout au début des années 90 (…). Mais du point de vue de la qualité, les filles rencontrent plus de problèmes que les garçons : le taux d’abandon est à tous les niveaux, toujours supérieur à celui des garçons. Le taux de redoublement leur reste défavorable (…). Les obstacles majeurs à la fréquentation scolaire des filles à l’école élémentaire peuvent être classés en trois séries de facteurs. a) Facteurs socio-économiques et culturels. Ce sont la pauvreté, les coûts prohibitifs de l’éducation, l’appartenance géographique et de lieu de résidence, la structure familiale, le niveau culturel des parents, le mariage précoce, les croyances religieuses, l’insuffisance des débouchés sur le marché du travail, la faible capacité des filières pour la poursuite des études, le manque de modèles à émuler, les grossesses précoces, l’enrôlement tardif à l’école. b) Facteurs scolaires. Ce sont l’insuffisance de l’offre, l’absence de latrines, d’infirmerie…, la mixité, (…), le poids des préjugés sexistes au niveau des programmes et des enseignants, la fréquence des redoublements, les abandons et les échecs scolaires, l’expulsion punitive pour cause de grossesse. c) Facteurs politiques et institutionnels. Ce sont le manque d’engagement en faveur de l’éducation des filles (…). B-Education non formelle, L’Education non formelle comprend l’alphabétisation et les écoles communautaires de base et du « 3ème type » au stade de l’expérimentation. 1-L’alphabétisation et les écoles communautaires de base. a) L’alphabétisation fonctionnelle Elle prend en charge les personnes de plus de 15 ans. Sous la coordination du cabinet du ministre délégué auprès du ministère de l’éducation nationale chargé de l’alphabétisation et de la formation professionnelle. Un véritable programme national cohérent de lutte contre l’analphabétisme n’a été élaboré qu’avec le colloque de Kolda de 1993. Le Plan d’action d’éradication de l’analphabétisme (73.1% en 1988) qui s’en est suivi s’assigne comme objectif prioritaire la réduction du taux d’analphabétisme de 5% par an afin de le ramener à 30% en 2004. b) Les écoles « franco-arabes» ou daaras (écoles coraniques) L’arabe, largement utilisé dans le non-formel, est enseigné à titre facultatif, dans les écoles maternelles et primaires et sur option dans les établissements du moyen – secondaire et du supérieur. A l’école primaire, l’Arabe à un double statut de médium et d’objet d’enseignement que lui confère son importance sur le plan socioculturel et religieux au Sénégal. c) Les écoles communautaires de base. Elles prennent en charge les enfants âgés de 9 à 14 ans, non scolarisés ou déscolarisés très tôt, en leur donnant accès à un cycle complet d’éducation de base à dominante pratique et pré-professionnalisante, en langues nationales et en français d’une durée de quatre ans. 2- Les écoles de 3ème type Ce sont les autres formes d’écoles, hors normes, dont celles de «la rue », organisées par des organismes non formels et non standardisés. A Dakar, l’école au service des enfants de la rue est coincée entre les maisons et les commerçants. (…) Selon le directeur, le budget opérationnel de l’école et sa survie est assuré par les ONG. Les enfants reçoivent des bases solides pour intégrer le système scolaire formel (…). Ce sont généralement des orphelins, des enfants abandonnés ou en situation difficile, qui ne sont pas en mesure d’entrer à l’école à l’âge prévu, et bénéficient d’une instruction proche de celle qu’ils auraient pu recevoir dans le système scolaire formel. (…) 3-L’éducation qualifiante des jeunes et des adultes La population adolescente et jeune analphabète peut être estimée à 1.000.000 (…). Ces personnes peuvent être prise en charges par les structures non formelles pour l’adolescence et de la jeunesse (…). Enfin, la formation permanente des adultes manque de formules alternatives réalistes et inspirées de l’expérience vécue de l’alphabétisation. C-Financement de l’éducation et de la formation Le système éducatif sénégalais est confronté à un difficile contexte caractérisé par un taux de croissance de la population scolarisable (7-12 ans) élevé auquel s’ajoutent les contraintes de stabilisation macro-économique limitant la possibilité d’accroître substantiellement les budgets éducatifs. Entre 1992 et 1994, le Sénégal a consacré en général plus de ressources à l’éducation que la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne, mais ces ressources ont été utilisées assez inefficacement (…). D-Le Plan National EPT au Sénégal. Suite au Forum mondial sur l’éducation pour tous en avril 2000, et l’adoption du cadre d’Actions de Dakar, une étape importante a été franchie au Sénégal avec la mise en place d’un Plan National d’Actions de l’Education Pour Tous (PNA-EPT) en mai 2001comportant des objectifs dans les domaines du formel, de l’informel et du non formel , lesquels consistent à : - réajuster la dimension « scolarisation des filles » et mieux prendre en charge la volonté politique exprimée dans le domaine de la protection de la petite enfance ; - renforcer la concentration sur les exclus et les marginalisés - les pauvres, les handicapés - dans les zones critiques ; - marquer davantage une priorité majeure à l’éducation de base et à la formation professionnelle dans toutes les opérations d’allocation de ressources de toute nature, maintenir et renforcer les engagements politiques déjà acquis ; - rationaliser : les mécanismes de concertations et de suivi participatifs du niveau central jusqu’à l’échelon de l’école. III - Bilan et perspectives. A-Bilan. Du diagnostic du secteur de l’éducation non formelle, il ressort : l’inadaptation du matériel didactique aux objectifs d’alphabétisation ; la faiblesse de la fréquentation des classes d’alphabétisation dans les zones péri-urbaines ; l’inefficacité du dispositif central d’évaluation des projets d’alphabétisation ; l’insuffisance de la formation ; de l’encadrement et de la motivation des facilitateurs et des superviseurs. B-Perspectives. Le Forum mondial de Dakar a permis de tirer les enseignements de la décennie écoulée et de faire des recommandations pour l’avenir. Malheureusement, des millions de personnes sont encore privées du droit à l’éducation. Quoiqu’il en soit le Sénégal a formulé un « Programme Décennal de l’Education et de la Formation » (PDEF) 2001/2010. Le Programme proposé couvre une période de dix ans avec pour objectif de porter le taux brut de scolarisation du primaire à 100% en 2010, tout en améliorant le niveau des apprentissages. La mise en œuvre de ce programme est divisé en trois phases de 2000 à 2010, qui devraient aboutir à un programme de scolarisation universelle de l’enseignement moyen.

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