Par Antoinette Frety, Avocate au barreau de Paris, membre de la Commission Pénale de l’UJA de Paris
Le rapport sur les états généraux de la justice remis en juillet 2022 n’avait guère suscité d’émotions.
Rendu au pas de charge, il était facile, voire simpliste, d’imaginer que celui-ci se contentait d’énumérer les évidences usuelles sur l’état désastreux de notre Justice.
En effet le constat que l’enchaînement des réformes présentées par le législateur comme tendant à simplifier la procédure (dédicace toute particulières aux amateurs de la procédure d’appel Magendie) mais rarement concertées, avait précipité au bord du gouffre une justice exsangue en l’absence de fourniture de moyens techniques et humains à la hauteur de la tâche qui lui est dévolue, n’était guère nouveau.
Bref, encore un inventaire à la Prévert de nos misères, énième constat de l’aspect rapiécé de notre institution, réalisé par un comité composé de gens sérieux, mués par une volonté sincère, dont les propositions seraient partagées par les professionnels mais qui se heurteraient à une implacable réalité budgétaire, celle d’un sous-investissement chronique et ancien trahissant le désintérêt à peine déguisé de nos dirigeants pour notre justice.
De l’absence de considération naissent les tensions et malheureusement parfois les drames.
A l’instar d’une vieille maison de famille dont tous les membres étaient autrefois fiers, la famille judiciaire se transformait en une assemblée générale de co-propriétaires agressifs les uns envers les autres et incapables d’assurer encore seule la conservation de leur bien(-être) commun. La critique était (trop) facile, la lecture rapide et la réflexion un peu courte, car il faut savoir relever les perches quand elles sont tendues surtout quand elles sont rares.
Une lecture attentive des travaux rendus, tout particulièrement par le comité pénal, devait inviter à constater qu’une prospective sérieuse et engagée avait été réalisée, tout comme avaient été soutenues les discussions et les points de vue variés quant aux défis à venir pour redonner à la procédure pénale une lisibilité réclamée par toutes et tous, une confiance dans la justice pénale et une protection efficace des droits de chacun.
En filigrane, il était même (fortement) suggéré une refonte totale de la procédure pénale avec des propositions s’avérant particulièrement intéressantes sur le rôle que les avocats pourraient avoir à jouer dans le cadre d’une procédure qui se voudrait plus contradictoire, plus dynamique et plus équilibré.
Un dessin d’un chantier ambitieux, encore en discussion, mais qui se heurterait à la réalité politique du pays, à savoir une absence de majorité claire au Parlement pour s’atteler à une tâche ardue et de longue haleine ou les intérêts de chacun sont souvent divergents, pouvait-on penser…
Vint l’été, sa fâcheuse tendance à faire taire par un excès de soleil, de rosé et de vacances, nos revendications professionnelles, auquel s’ajouta la perspective d’une rentrée sociale agitée et l’on pensait ce rapport enterré…
Relents de notre pessimisme ambiant sur l’intérêt réel du gouvernement pour « Sauvé » notre maison judiciaire… Il faut dire que des mésaventures naissent l’excès de prudence… et nos relations avec les gouvernants successifs n’en sont pas avares.
Caramba encore Raté !
Septembre, soit juste deux mois après le dépôt du rapport, la circulaire de politique générale du Garde des Sceaux a annoncé « les capacités d’enquête doivent être renforcées et fluidifiées, les phases contradictoires et accusatoires repensées, la place des victimes redéfinie, les délais de traitement des procédures réduits et les décisions rendues exécutées sans délai ».
À bien y regarder, ça ressemble à une profession de foi, une promesse, au minimum un vœu pieu.
Frémissements d’émoi dans la Salle des Pas Perdus qu’on entend presque dire « Marie Thérèse ne jurez pas ! »
26 octobre dernier, le président de la République Emmanuel Macron a confirmé lors d’une interview télévisuelle une prochaine réforme de la procédure pénale…
Bouillonnement d’excitation du monde judiciaire mâtiné des réflexions d’éternels insatisfaits « encore une énième réforme » ! L’esprit français parait-il… Depuis lors, il a été confirmé qu’une commission à laquelle seront amenés à participer les représentants du monde judiciaire et universitaire travaillera en commun afin d’offrir, à l’issue de la présente législature, l’adoption d’un Code de procédure pénale qui se voudra plus moderne, plus contradictoire, plus accessible, plus lisible, plus sexy, plus tout quoi…
Une procédure pénale réécrite pour l’avenir : un changement nécessaire pour assurer une stabilité du droit intrinsèquement liée à la protection et la sureté dues à chacun, une efficacité de l’action judiciaire sans renoncement aux libertés individuelles et droits de tous.
La profession sera sollicitée pour faire connaître sa position, ainsi que ses souhaits et ses aspirations.
Les paris sont lancés, les défis présents, les envies et revendications nombreuses :
Votre UJA en porte beaucoup et depuis longtemps…
Un accès complet au dossier dès le début de la garde à vue, la réalisation d’actes par le parquet sur demande de la défense ou de la partie civile, l’extension du pouvoir du JLD en cas de refus, la collégialité et le contradictoire renforcés, l’indépendance du parquet et la limitation de son hégémonie, la refonte des délais de recours devenus incompréhensibles, la dématérialisation des échanges, la refonte de la place de la partie civile et pourquoi pas des ordinateurs flambants neufs pour des magistrats plus nombreux, un RPVA utile pour communiquer avec les juridictions, des post-it à foison pour les greffiers, un temps d’audience respectable pour tous, un dialogue et une sérénité retrouvés.
Soyons fous, inventifs, et audacieux, notre rôle d’avocat ne pourra qu’être plus beau et plus fort si les jeunes avocats s’emparent de ce projet de réforme et le font sien.
Participez pour ne pas subir, s’investir pour défendre, parier sur l’avenir pour ne pas regretter, car cette procédure avec ou sans nous sera nôtre pour les nombreuses années d’exercices de chacun. « Chiche ! » dit l’UJA de Paris sur laquelle vous pourrait toujours compter pour faire entendre votre voix.
Le rapport sur les états généraux de la justice remis en juillet 2022 n’avait guère suscité d’émotions.
Rendu au pas de charge, il était facile, voire simpliste, d’imaginer que celui-ci se contentait d’énumérer les évidences usuelles sur l’état désastreux de notre Justice.
En effet le constat que l’enchaînement des réformes présentées par le législateur comme tendant à simplifier la procédure (dédicace toute particulières aux amateurs de la procédure d’appel Magendie) mais rarement concertées, avait précipité au bord du gouffre une justice exsangue en l’absence de fourniture de moyens techniques et humains à la hauteur de la tâche qui lui est dévolue, n’était guère nouveau.
Bref, encore un inventaire à la Prévert de nos misères, énième constat de l’aspect rapiécé de notre institution, réalisé par un comité composé de gens sérieux, mués par une volonté sincère, dont les propositions seraient partagées par les professionnels mais qui se heurteraient à une implacable réalité budgétaire, celle d’un sous-investissement chronique et ancien trahissant le désintérêt à peine déguisé de nos dirigeants pour notre justice.
De l’absence de considération naissent les tensions et malheureusement parfois les drames.
A l’instar d’une vieille maison de famille dont tous les membres étaient autrefois fiers, la famille judiciaire se transformait en une assemblée générale de co-propriétaires agressifs les uns envers les autres et incapables d’assurer encore seule la conservation de leur bien(-être) commun. La critique était (trop) facile, la lecture rapide et la réflexion un peu courte, car il faut savoir relever les perches quand elles sont tendues surtout quand elles sont rares.
Une lecture attentive des travaux rendus, tout particulièrement par le comité pénal, devait inviter à constater qu’une prospective sérieuse et engagée avait été réalisée, tout comme avaient été soutenues les discussions et les points de vue variés quant aux défis à venir pour redonner à la procédure pénale une lisibilité réclamée par toutes et tous, une confiance dans la justice pénale et une protection efficace des droits de chacun.
En filigrane, il était même (fortement) suggéré une refonte totale de la procédure pénale avec des propositions s’avérant particulièrement intéressantes sur le rôle que les avocats pourraient avoir à jouer dans le cadre d’une procédure qui se voudrait plus contradictoire, plus dynamique et plus équilibré.
Un dessin d’un chantier ambitieux, encore en discussion, mais qui se heurterait à la réalité politique du pays, à savoir une absence de majorité claire au Parlement pour s’atteler à une tâche ardue et de longue haleine ou les intérêts de chacun sont souvent divergents, pouvait-on penser…
Vint l’été, sa fâcheuse tendance à faire taire par un excès de soleil, de rosé et de vacances, nos revendications professionnelles, auquel s’ajouta la perspective d’une rentrée sociale agitée et l’on pensait ce rapport enterré…
Relents de notre pessimisme ambiant sur l’intérêt réel du gouvernement pour « Sauvé » notre maison judiciaire… Il faut dire que des mésaventures naissent l’excès de prudence… et nos relations avec les gouvernants successifs n’en sont pas avares.
Caramba encore Raté !
Septembre, soit juste deux mois après le dépôt du rapport, la circulaire de politique générale du Garde des Sceaux a annoncé « les capacités d’enquête doivent être renforcées et fluidifiées, les phases contradictoires et accusatoires repensées, la place des victimes redéfinie, les délais de traitement des procédures réduits et les décisions rendues exécutées sans délai ».
À bien y regarder, ça ressemble à une profession de foi, une promesse, au minimum un vœu pieu.
Frémissements d’émoi dans la Salle des Pas Perdus qu’on entend presque dire « Marie Thérèse ne jurez pas ! »
26 octobre dernier, le président de la République Emmanuel Macron a confirmé lors d’une interview télévisuelle une prochaine réforme de la procédure pénale…
Bouillonnement d’excitation du monde judiciaire mâtiné des réflexions d’éternels insatisfaits « encore une énième réforme » ! L’esprit français parait-il… Depuis lors, il a été confirmé qu’une commission à laquelle seront amenés à participer les représentants du monde judiciaire et universitaire travaillera en commun afin d’offrir, à l’issue de la présente législature, l’adoption d’un Code de procédure pénale qui se voudra plus moderne, plus contradictoire, plus accessible, plus lisible, plus sexy, plus tout quoi…
Une procédure pénale réécrite pour l’avenir : un changement nécessaire pour assurer une stabilité du droit intrinsèquement liée à la protection et la sureté dues à chacun, une efficacité de l’action judiciaire sans renoncement aux libertés individuelles et droits de tous.
La profession sera sollicitée pour faire connaître sa position, ainsi que ses souhaits et ses aspirations.
Les paris sont lancés, les défis présents, les envies et revendications nombreuses :
Votre UJA en porte beaucoup et depuis longtemps…
Un accès complet au dossier dès le début de la garde à vue, la réalisation d’actes par le parquet sur demande de la défense ou de la partie civile, l’extension du pouvoir du JLD en cas de refus, la collégialité et le contradictoire renforcés, l’indépendance du parquet et la limitation de son hégémonie, la refonte des délais de recours devenus incompréhensibles, la dématérialisation des échanges, la refonte de la place de la partie civile et pourquoi pas des ordinateurs flambants neufs pour des magistrats plus nombreux, un RPVA utile pour communiquer avec les juridictions, des post-it à foison pour les greffiers, un temps d’audience respectable pour tous, un dialogue et une sérénité retrouvés.
Soyons fous, inventifs, et audacieux, notre rôle d’avocat ne pourra qu’être plus beau et plus fort si les jeunes avocats s’emparent de ce projet de réforme et le font sien.
Participez pour ne pas subir, s’investir pour défendre, parier sur l’avenir pour ne pas regretter, car cette procédure avec ou sans nous sera nôtre pour les nombreuses années d’exercices de chacun. « Chiche ! » dit l’UJA de Paris sur laquelle vous pourrait toujours compter pour faire entendre votre voix.