« Ne soyez pas trop véhéments, nous sommes en crise ». « Attention, c’est très dur pour les cabinets, faites attention à ne pas aller trop loin dans vos demandes » ! Nous serions bien en peine de compter le nombre de fois où nous a été servie cette rengaine depuis quelques temps.
Mais la crise a bon dos… La réalité est toute autre ! Depuis quelques mois déjà, que ce soit dans le cadre de notre travail de veille ou dans celui de notre mission d’assistance des collaborateurs, nous remarquons que ces derniers sont de plus en plus fragilisés et que la crise semble donner carte blanche aux cabinets pour multiplier les manquements à l’encontre de leurs collaborateurs. Des manquements avant tout déontologiques entre confrères et indirectement cautionnés par l’Ordre, du fait de son inaction. Un Ordre qui, hélas, adopte de plus en plus souvent, des positions toujours plus favorables aux cabinets indélicats et ce, sous couvert de difficultés liées à la crise.
Nous n’avons jamais été les défenseurs d’une collaboration surprotégée, bénéficiant de garanties comparables à celles du contrat de travail. Nous avons toujours été les partisans d’une collaboration choisie, consensuelle et confraternelle.
Or, ruptures de contrats à l’occasion de la maternité, de la paternité ou de la maladie se multiplient dans des conditions indignes de notre Profession. Et quand, nous obtenons une décision en faveur du collaborateur, nous rencontrons les pires problèmes pour les faire exécuter… sans aucune aide de l’Ordre… même quand il s’agit d’obtenir le simple paiement de rétrocessions incontestablement dues.
La crise a définitivement vraiment bon dos…
Cette tendance est illustrée par la Foire Aux Questions publiée sur le site de l’Ordre qui prend des positions plus que contestables sur un plan déontologique.
Nous avons tenté dans un premier temps d’alerter l’Ordre sur ces dérives et nous avons sollicité de sa part une vérification accrue des règles de déontologie à l’égard des collaborateurs. Nos instances représentatives ne peuvent accepter que les collaborateurs soient la variable d’ajustement des cabinets en cette période de crise.
Nous avons notamment soulevé plusieurs incohérences flagrantes dans la Foire Aux Questions de l’Ordre et suggéré des modifications urgentes.
En vain...
Or, une sentence arbitrale très inquiétante vient d’être rendue … reconnaissant la possibilité au cabinet de rompre le contrat de collaboration alors que le collaborateur est en arrêt maladie, et faisant courir le délai de prévenance à compter du jour de la rupture, soit durant l’arrêt maladie. Cette décision est particulièrement préoccupante en ce qu’elle opère un revirement de la position de l’Ordre.
Les circonstances dans lesquelles la collaboratrice a vu son cabinet mettre fin à son contrat de collaboration dans cette affaire sont particulièrement choquantes puisque l’Arbitre précise que l’email de rupture par le cabinet est intervenu moins d’une heure après que la collaboratrice l’ait informé de son arrêt maladie.
SE FAIRE VIRER ET VOIR LE PRÉAVIS S'ÉCOULER PENDANT SA MALADIE : MAINTENANT C'EST POSSIBLE
Jusqu’à présent, l’Ordre retenait très logiquement que le contrat de collaboration était suspendu durant l’arrêt maladie du collaborateur ce qui entraînait plusieurs conséquences, et notamment :
- le collaborateur ne génère pas de repos rémunérés durant son arrêt maladie,
- en cas de rupture de son contrat de collaboration au cours de l’arrêt maladie, le délai de prévenance ne commence à courir qu’à compter de son retour au cabinet…
Cette position était d’conforme aux principes essentiels et à la déontologie de notre profession : la confraternité, la délicatesse, la dignité, l’humanité…
Le délai de prévenance a, en effet, pour objet de donner le temps au collaborateur de rechercher une nouvelle collaboration ou d'organiser sa future installation alors même qu’il ne bénéficiera d’aucun revenu de solidarité pour compenser la perte de sa collaboration.
Or le collaborateur malade ne peut pas se consacrer à une recherche de collaboration ou à un projet d'installation.
Cette position est d’ailleurs toujours celle indiquée ce jeudi 22 novembre dans la FAQ publiée sur le site de l’Ordre:
L’Ordre ne respecte plus sa propre doctrine…
Cette situation est dramatique… la nouvelle position de l’Ordre permet à un Cabinet indélicat de se séparer manu militari d’un collaborateur qui aurait le mauvais goût d’être malade… où est le manquement du collaborateur ? où sont la déontologie, l’humanité, la dignité et la confraternité ?
Et contrairement à ce qu’ils pourraient être tentés de croire, les cabinets n’y ont rien gagné. Surtout ceux qui, sans qu’ils aient besoin de quérir le bienveillant soutien de l’Ordre pour se couvrir, s’attachent à adopter des bonnes pratiques à l’égard de leurs collaborateurs et agissent avec déontologie et humanité quand ceux-ci sont souffrants. Simplement parce que c’est ce que commandent les principes essentiels de notre profession…
Ont-ils raison ? Ne devraient-ils pas tous s’empresser de profiter de l’alibi de la crise avant qu’elle ne s'achève ? Ils ne le feront pas, parce qu'ils savent ce que la déontologie commande. Mais il demeure que c'est ce que l’Ordre les incite pourtant à faire…
Et c’est sur toute la profession que rejaillissent ces pratiques anti-confraternelles d’un autre âge que certains croient nécessaires de faire entériner par l’Ordre…
Une honte pour une profession qui se drape dans sa dignité et sa déontologie lorsqu'elle revendique des avantages auprès des pouvoirs publics… qui sauront nous renvoyer à nos propres défaillances si cela s’avère nécessaire.
Posture compliquée en ces temps où la déontologie est notre seule arme pour lutter contre les braconniers du droit ou l’accès illimité à notre profession…
L’UJA s’insurge contre ce revirement inacceptable de la doctrine de l’Ordre qui ne tend qu’à précariser encore davantage la situation des collaborateurs.
L’UJA, réunie en Commission Permanente, a voté une intervention volontaire à l’appel de la collaboratrice concernée contre cette sentence arbitrale pour faire valoir devant la Cour d’appel les règles qui président à notre déontologie.
Parce que rien, ni la crise, ni les impératifs de gestion des cabinets, ni les amitiés ne justifient un tel manquement aux principes essentiels de notre profession. Nous saurons le faire constater.
DES POSITIONS PEU CONFRATERNELLES ÉNONCÉES SUR LA FAQ DE L’ORDRE
Nous avons alerté l’Ordre de notre inquiétude sur certaines positions publiées au sein de sa FAQ.
Nous sommes notamment profondément choqués par la réponse de la FAQ indiquant que le cabinet peut déduire une partie de la rémunération du collaborateur en cas « d’absences non justifiées ». Cette position nie le principe même de la collaboration libérale qui se définit par la possibilité pour le collaborateur de traiter des dossiers personnels sans avoir à en rendre compte au cabinet et sa totale liberté dans l’organisation de son travail.
Malgré nos alertes, le jeudi 22 novembre 2012, la FAQ de l’Ordre présente toujours la réponse suivante :
Le dialogue et la concertation nous ont généralement permis d’assurer et de faire avancer de manière efficace les droits des collaborateurs. Mais il faut se mobiliser plus que jamais quand les dérives sont aussi manifestes.
Malgré de nombreuses déclarations d’intention bienveillantes, nous ne pouvons que constater une radicalisation des positions de l’Ordre au préjudice des collaborateurs.
La situation est inacceptable et il est temps de dénoncer haut et fort les pratiques d’un Ordre qui semble oublier qu’on ne peut faire abstraction de la situation de plus de 9.000 collaborateurs au profit des cabinets.
La crise ne saurait être un prétexte pour précariser davantage la situation des collaborateurs Soutenez l'action de l'UJA.
La Commission Collaboration de l'UJA de Paris