La loi du 27 mai 2008[[1]] dite de lutte contre les discriminations prévoit un renversement de la charge de la preuve en cas de faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination.Alors même que le législateur a expressément prévu son application aux personnes « exerçant une activité professionnelle indépendante », la Cour d’appel de Paris a pourtant refusé par principe l’application de la loi de 2008 aux contrats de collaboration libérale entre avocats dans un arrêt du 11 octobre 2011[[2]]:
« La rupture d’un contrat de collaboration libérale, qui n’est pas un licenciement, n’a pas à être motivée et peut intervenir à tout moment ; que sont dès lors sans aucune portée les développements consacrés par Mme X… à l’absence de motifs de la lettre de rupture du 2 juillet comme à la recherche des véritables motifs supposés ou cachés, de cette rupture ; que l’invocation d’une « discrimination » susceptible d’avoir motivé la rupture, à la supposer établie, est donc sans conséquence »
L’UJA de Paris avait contesté cet arrêt et plaidé devant le représentant du Bâtonnier le nécessaire respect de la Loi de 2008.
Par sa décision du 28 octobre 2013, le Bâtonnier a répondu favorablement à l’argumentation de l’UJA de Paris et refusé de suivre le raisonnement de la Cour d’appel de Paris. Sa décision rappelle que la loi de 2008 doit s’appliquer aux ruptures de contrats de collaboration libérale[[3]] :
« en tout état de cause, l’absence de nécessité d’exposer le motif de la rupture de la collaboration libérale n’exclut pas que ladite rupture puisse être discriminatoire et sanctionnée en tant que telle »
Cependant, cette reconnaissance de l’applicabilité de la loi anti-discriminations aux ruptures des contrats de collaboration libérale est immédiatement privée d’effet… la décision ne tire par les conséquences du principe qu’elle dégage : le fait que la collaboratrice ait vu son contrat rompu 6 jours après son retour de congé maternité, à la première entrevue avec l’associée avec laquelle elle travaillait principalement, ne constitue pas, selon les termes de la décision du Bâtonnier, un fait permettant de présumer une discrimination au titre de sa maternité imposant au Cabinet de faire la preuve de la non-discrimination.
Nous ne pouvons que nous interroger sur les faits qui permettraient de faire présumer une discrimination dès lors que la concomitance de la rupture et du retour après l’accouchement de la collaboratrice ne suffit pas.
La reconnaissance de l’applicabilité de la loi de 2008 par la décision du Bâtonnier en dépit de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris d’octobre 2011 est une première victoire. Reste aujourd’hui à obtenir une confirmation de la Cour d’appel sur ce point et une application du régime de preuve de la loi de 2008 en cas de rupture discriminatoire, qui imposera au Cabinet de démontrer que sa décision est exempte de toute discrimination.
A suivre…
UJA de Paris - Novembre 2013
[[1]] Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
[[2]] CA Paris, 11 oct. 2011, n°11/05267
[[3]] Décision du Bâtonnier de Paris, 28 octobre 2013, n°721/245743