Remise à l’ordre du jour depuis quelques années par les juristes d’entreprises qui, face à la concurrence européenne, revendiquent un droit à la confidentialité de leurs avis, la question du rapprochement de ces derniers avec les avocats vient de connaître un nouveau développement.
Le Garde des Sceaux, aux termes de son discours prononcé à l’issue de l’Assemblée Générale de l’Association Française des Juristes d’Entreprise le 12 décembre dernier, a posé les bases de la réforme qui pourrait être envisagée au regard des premiers travaux du groupe de travail institué par son prédécesseur et composé à parité de membres des institutions et des associations représentatives des professions d’avocat et de juriste d’entreprise.
Le Garde des Sceaux s'est prononcé contre l’intégration pure et simple des juristes à la profession d’avocat et également contre la création d’une nouvelle profession réglementée.
Le ministre a pris soin de préciser qu’il ne s’agissait pas non plus de préparer une fusion entre deux professions libérales et réglementées comme celle entre avocats et conseils juridiques.
En revanche, il a esquissé l'institution d'un nouveau mode d'exercice de la profession d'avocat, à savoir en entreprise, et ce afin de rétablir un certain équilibre avec les Avocats des autres pays européens qui, eux, bénéficient déjà de cette possibilité (Allemagne, Espagne...)
Monsieur Pascal Clément a développé les premiers et principaux axes d'une telle réforme, qui seraient les suivants :
- l'avocat en entreprise exercerait en vertu d'un contrat de travail ;
- son contrat de travail serait soumis au contrôle de l’autorité ordinale ;
- ce contrat devrait obligatoirement comporter une clause de conscience ;
- l'avocat en entreprise serait soumis à la convention collective de son entreprise ;
- ses consultations pour son employeur bénéficieraient donc de la « confidentialité » ;
- au titre des mesures transitoires, seuls les juristes répondant aux conditions fixées par la Loi, notamment de diplôme, de pratique professionnelle et de niveau de responsabilité, pourraient intégrer la profession ;
- l'avocat en entreprise serait le principal conseil de l'entreprise, exerçant les mêmes fonctions de consultation et de rédaction d’actes au profit de l’entreprise qui l’emploie que l’actuel juriste d’entreprise ;
- en revanche, il ne devrait pas concurrencer les avocats sur le terrain judiciaire et il ne se verrait en conséquence pas reconnaître le droit de plaider et représenter son employeur devant les juridictions lorsque la représentation est obligatoire.
Le Garde des Sceaux, tout en soulignant que les discussions du groupe de travail avaient d’ores et déjà permis de dégager des solutions consensuelles dans plusieurs domaines, a indiqué que la réflexion devait se poursuivre notamment sur les sujets complexes comme le statut social et le régime des retraites des avocats exerçant en entreprise.
Pour le ministre, le rapport du groupe travail à intervenir doit constituer « un point de départ de pédagogie et de concertation », rappelant qu’il n’y « aura pas de réforme et de rapprochement sans adhésion des professionnels du droit de ce pays à un projet clair et consensuel ».
On ne peut que se féliciter de l’annonce faite qu’il ne devrait pas y avoir de rapprochement ou fusion pure et simple avec les juristes d’entreprise.
Cela nous apparaissait en effet comme n’étant n’est ni possible, ni envisageable en raison de la diversité de la formation de ces derniers, ainsi que de la multiplicité de leurs statuts et des champs d’intervention dans lesquels ils exercent.
En revanche, le groupe de travail devrait, nous semble-t-il à la lecture des propos du Garde des Sceaux, poursuivre ses travaux sur l’idée de la création d’un nouveau mode d’exercice de la profession d’avocat.
Une grande vigilance doit, à notre sens, être de mise afin que les intérêts des jeunes avocats ne soient en aucune manière lésés par l’avenir que leur réserve l’issue de ce débat.
Valentine Coudert
Premier Vice Président